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La sagesse des félin se retrouve chez l'animal sauvage et l'animal domestique

Le chaton, la panthère et l’écrivain

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  • Dernière modification de la publication :1 juin 2024

Quel peut être le lien entre un chaton, une panthère des neiges et un écrivain ?

Le hasard est parfois bien curieux. Hier j’étais en communication animale avec un chaton qui, du haut de ses quelques mois d’existence, me donnait une leçon de choses. Ce petit être m’expliquait à quel point nous, les humains, sommes doués pour passer à côté de la vie.

Le lendemain soir, le hasard a fait que nous avons regardé en replay sur Arte, le magnifique film de Vincent Munier et Sylvain Tesson : « La panthère des neiges ». Aussi incroyable que cela puisse paraître, les mots de l‘écrivain ont décrit, en langage plus mature, plus humain, plus expérimenté, la pensée du chaton.

Les magiciens des mots et des images

Sylvain Tesson, ça a été pour moi un coup de foudre. Je l’ai rencontré il y a quelques années sur la table basse de mon frère, journaliste au journal DNA, amateur de beaux mots et de belles images. Comprenez : photographe plutôt doué et amateur de beaux livres.

Sylvain s’est montré à moi sous les traits d’une couverture de livre toute simple : une page blanche et un titre noir. Et quel titre : « les chemins noirs ». Par curiosité, j’ai commencé à feuilleter quelques pages, et, happée dans le tourbillon de ses mots, c’est le début d’une fascination, d’un amour de la plume de cette gueule cassée qui parvient à donner une telle poésie aux choses les plus simples de la vie.

Pour ce film, Sylvain Tesson a accompagné Vincent Munier, photographe animalier, au Tibet, sur les traces de la panthère des neiges. Si Tesson est le poète du crayon, Munier est le poète des images.

Originaire des Vosges, l’enfant chéri de ma région réalise des images hors du commun de la faune sauvage dans le monde entier. Ses photos épurées, silhouettes découpées dans des lumières exceptionnelles, racontent un monde que nos yeux amateurs ne peuvent imaginer. Devant son objectif, les plumes, les poils, les yeux, les pattes, les cornes, deviennent les œuvres d’art d’un grand maître inspiré. La simplicité devient sublime, la nature devient onirique.

Vincent Munnier sait rendre toute la poésie de la nature avec ses photos au style très particulier

La poésie de l’image s’associe à celle des mots le temps d’un film. Cette association sonne pour moi comme une évidence tant ces deux hommes sont liés par leur talent commun à fixer ce qui nous échappe. Sylvain Tesson découvre l’affut. L’immobilité, dans le froid, dans le vent, les heures, les jours passés à observer un pan de colline, un tas de cailloux, dans l’espoir infime d’entrevoir ce que la nature a à offrir de plus fugace et de plus sauvage. Cet homme qui, blessé par la vie, a parcouru la France entière, a marché sur des milliers de km de petits chemins, les chemins noirs, réalise que durant toute sa vie, il n’a pris le temps de rien voir. Qu’il a regardé sans voir. Et qu’il a été observé, à chaque instant, par des centaines d’yeux curieux qui, tapis dans les herbes ou juchés dans les arbres, observent cet humain qui se cherche dans les chemins de ses pensées.

Voici ses mots :

Ce qui me fascine chez toi (Vincent) c’est la connaissance poussée de toutes ces formes du vivant, à l’intérêt que tu y portes, à la passion. Et ça me fait réfléchir, depuis quelques jours, où je te regarde évoluer au milieu de ces barrages naturels et détecter chaque mouvement, t’intéresser à chaque oiseau, regarder les traces de chaque animal, t’émerveiller de chaque rencontre. Assister à ça, ça me ramène à l’incroyable indifférence avec laquelle j’ai traversé les paysages pendant des années sans me rendre compte qu’ils étaient tellement peuplés. En fait on est très indifférents au monde qui nous entoure, à peine conscients. (S. Tesson)

Yannah, 6 mois, et sa vision particulière de la Vie

Yannah est une petite chatte d’à peine 6 mois. Elle découvre et vit la vie avec intensité du haut de son jeune âge. Elle ne se pose pas de questions : elle saute, court, renifle, observe, touche, grimpe, observe encore. Vu de l’extérieur, c’est une chatonne, jeune et plein de vie, prête à faire mille bêtises et à renverser tout ce qui lui passe à portée de pattes. J’ai de la chance. Yannah m’a fait partager l’intimité de ses réflexions. Ce qui se passe dans sa petite tête toute jeune. L’envers du décor.

On appelle cela : la communication animale. On échange des mots, des pensées, des images, des sentiments, des émotions. Parfois les mots n’existent pas. Parfois la connexion est si intime que les mots sont inutiles.

Imaginez que vous êtes sur votre canapé avec votre ami (e) le plus proche, et que vous dissertez sur la marche du monde, à cœurs ouverts. C’est ce que j’ai vécu avec cette petite chatonne. Yannah m‘a ouvert ses pensées, sans fards, sans détours, avec la candeur de la jeunesse.

Yannah le petit chaton
Si petite et déjà si pleine de sagesse

Nous avons beau vivre avec nos animaux depuis des années, les connaître intimement, leurs habitudes, leurs préférences, nous croyons savoir ce qu’ils pensent, ou ne pensent pas, d’ailleurs en sont-ils capables, n’est-ce pas le propre de l’homme ?

Et depuis des années que je pratique la communication animale, à chaque fois je suis surprise. Ils partagent notre quotidien, et à notre insu, nous observent, scrutent les moindres méandres ne nos émotions, voient tout ce que nous voulons cacher, tout ce que nous masquons aux autres, et à nous-même.

Des heures passées à nous étudier, ressentir notre chimie, la trahison de notre corps face aux bouleversements cérébraux ou viscéraux que notre esprit d’humain civilisé tente de masquer derrière des convenances et une vie bien cadrée.

Observer, ou être observé ?

Tout comme Sylvain Tesson, qui découvre que durant toute sa vie, lui qui croyait observer la nature, s’est fait observer par elle, nous sommes nous aussi observés par nos animaux de compagnie. Nous sommes leur principale distraction. Avec leur esprit pur, leur instinct, ils décryptent nos gestes complexes, nos pensées tordues, nos âmes tourmentées.

Et cette petite chatonne, de quelques mois à peine, qui découvre la vie, le jeu, les oiseaux du jardin, ce petit être déjà plein de sagesse me fait une leçon de vie. A 6 mois, Yannah a compris ce que Sylvain Tesson découvre à 49 ans.

Voici ses mots :

L’énergie que vous perdez à vouloir ce qui est ailleurs vous empêche d’apprécier ce qui est là et vous fait passer à côté de la vie. Vous n’en percevez pas la saveur, la richesse, les subtilités. Est-ce que l’ailleurs est mieux ? Je n’en sais rien, moi je ne connais que ce que j’ai là, devant moi. Et comme je n’ai que cet univers, je l’apprécie. Je le rends conforme à mes besoins. Alors il me convient parfaitement. (Yannah)

Comment remplir nos (en)vies

Oui, nous ne profitons pas de notre environnement. Nous n’en connaissons qu’une infirme partie, celle accessible à nos yeux et notre champ de vision étriqué.

Nous voyons sans voir. Et si nous ne trouvons pas ce qui va combler un manque ou nous apporter de la joie, nous l’éloignons, nous fermons les yeux et nous décrétons que cela ne nous convient pas.

Pourtant, j’ai appris à l’école que « la nature a horreur du vide ». Si cela est bien le cas, comment la nature peut-elle laisser le vide s’installer dans nos cœurs, dans nos projets, dans nos humeurs ? Ne devrait-elle pas mettre à disposition ce dont nous avons besoin pour remplir nos vides et tisser un lien de cohérence dans les évènements que nous traversons ? Peut-être qu’elle le fait, mais que nous ne le voyons tout simplement pas ?

Attendre est une prière

En étant à l’affût dans la montagne pour espérer apercevoir la panthère des neiges, Tesson et Munier ont su accueillir tout ce qui s’offrait à leur regard : hamsters, aigles, chouettes, bouquetins, et même des ours. Auraient-ils pu s’émerveiller autant s’ils avaient fermé leur esprit à tout ce qui n’est pas leur objectif, et oublier tout ce qui n’est pas la panthère ?

L’univers leur a apporté tout ce dont ils avaient besoin, à cet instant, pour remplir leurs yeux et leurs cœurs. Juste parce qu’ils ont pris le temps d’observer, d’apprécier, et d’accueillir.

Attendre était une prière. Quelque chose venait. Et si rien ne venait, c’était que nous n’avions pas su regarder. (S. Tesson)

Leur terrain de jeu a été bien plus riche que ce qu’ils attendaient au départ.

Tout comme le terrain de jeu de Yannah, petit chaton, qui regorge de milliards de petites merveilles qui la comblent à chaque instant.

La sagesse animale nous rappelle ce que l’intelligence humaine a oublié : nous sommes adaptés à notre terrain de jeu, nous aussi. Nous l’avons simplement oublié.

Lorsque nous ne trouvons pas de solutions à nos problèmes, pas d’idées pour modifier notre vie, que nous nous sentons englués dans nos problèmes et que notre horizon se rétrécit à la boue qui est collée sur nos yeux, prenons un peu de temps pour arrêter le temps, nous mettre à l’affût, et observer notre environnement.

Et je conclurai cet article par d’autres mots de Sylvain Tesson et Yannah: 

Vénérer ce qui se tient devant nous, ne rien espérer, jouir de ce qui s’offre, avoir foi en la poésie, se contenter du monde, lutter pour qu’il demeure. (S. Tesson)

J’ai vécu chaque instant de ma vie avec une intensité totale. Je ne regrette rien. Je n’en perds pas une miette. Tout a été découverte, nouveauté, expérience. La vie sur terre est tout sauf ennuyeuse.
Changez votre regard sur elle. Vous en verrez toutes les saveurs. (Yannah)

L'écrivain et le chaton
Les mots de l'écrivain et du chaton décrivent la même pensée

Pour en savoir plus:

L’oeuvre de Vincent: https://www.vincentmunier.com/vincent-munier/

Qui est Sylvain Tesson: https://fr.wikipedia.org/wiki/Sylvain_Tesson

Si vous n’avez pas vu le film: https://www.vincentmunier.com/portfolio/la-panthere-des-neiges/

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